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Louise de Vilmorin : De l'invisible à la réalité
 
Avant-propos de ce livre


       Il y a des êtres que l’on ne choisit pas. Le destin les impose quand ils ne se présentent pas d’eux mêmes. Pour ceux là, il importe peu de faire encore partie de ce monde. Ce sont souvent de grands voyageurs pour qui les frontières n’ont jamais existé et rien ne les arrête. Leurs voix se font entendre de l’au-delà.

       Louise de Vilmorin, qui fut une incorrigible bavarde de son vivant, et adorait avoir le dernier mot, appartient à cette espèce là. Afin de sortir du silence où l’éternité la gardait captive, elle s’est offerte en partage.

       Pour elle, venue du bout du monde et de la pointe des siècles pour franchir sa vie et d’autres vies, et écrire : « Des efforts continus ont gardé ouvert pour moi ce passage de l’invisible à la réalité », rien de plus naturel que cet appel.

       Dans l’imaginaire de son œuvre poétique et romanesque, les princesses déjà épousaient les fauteuils, les grandes familles s’amusaient de fiançailles pour rire et les ingénues se laissaient conter fleurette par des amis un rien éthérés qui répondaient au nom angélique de Transparents.

       Née à la pointe de ce siècle précisément, elle fut non seulement un des derniers témoins et une des principales actrices de ce que Stefan Sweig a appelé le monde d’hier, celui de la Belle Epoque, de la haute société cosmopolite européenne mais elle compte aussi parmi les femmes qui participèrent à la création de notre présent. Par sa générosité. Son humour. Son talent. En affirmant sa personnalité d’artiste et sa sensibilité toute féminine. En étant libre, sans se croire libérée, elle a affiché une grande honnêteté même si elle s’est parfois sacrifiée sur l’autel de la postérité… Et comme on n’est jamais trahi que par les siens, c’est cette même postérité qui, aujourd’hui, dans les libraires, la frappe de la peste de l’oubli.

       Visage d'un autre âge, d'autres conquêtes, le geste XVIII°, la peau parfumée aux volutes de poudre de riz, le regard lumineux comme un sous bois irisé d’un éclair de soleil, le verbe facile voir irritant de folle assurance, Louise de Vilmorin, l’amie de Cocteau, Orson Welles, Roger Nimier, l’égérie des hommes les plus grands du XXe siècle n'a pas survécu aux médailles de la notoriété.

       L’auteure de Madame De, Julietta, Le lit à colonnes, L’heure maliciôse, la dialoguiste de l’audacieux film de Louis Malle Les amants, a néanmoins travaillé avec ferveur, courage et opiniâtreté pour laisser une œuvre que toute femme de lettres digne de ce nom jalouserait. Mais la légende a emprisonné cette grande dame, aristocrate sans pareille, comtesse un peu bancale, dans un personnage égoïste et cynique. Son allure de mondaine qui dans la soixantaine bien vécue souhaitait que le Tout Paris l’appelât encore Mademoiselle, a nui à sa notoriété d'écrivain. Et chacun d'ignorer que sous les apparences vernies du savoir-faire, de l'élégance et d'un penchant un peu trop marqué par le sens de la représentation et du paraître, se cachait l'âme profonde d'un véritable poète et d’une femme émouvante.

       Pour rencontrer cette magnifique fantaisiste, douée et inventive, j’aspirais à découvrir le secret qui se dérobait derrière le génie de l’écrivain des formules consacrées.

       Au fil des mots, a surgi le désir de défendre cette amoureuse inconstante qui a brûlé sa vie à chercher mille embrasements, des feux de la rampe à ceux de la célébrité, des coups de foudre de l’amitié à la quête de l’âme sœur et autres bonheurs.

       Ainsi espérais-je comprendre si Louise n’avait pas vécu sa vie pour elle mais pour la gloire de la galerie. Car tandis qu’elle défiait de l’ennuui, cette graine d’étoile inventa le concept de la star à l’heure où on ne parlait que de vedettes et n’eut rien à envier aux victimes des échotiers de feuilles à scandales ! Cependant, chaque fois qu’elle a un peu dévoilé de son intimité, j’ai approché un astre de subtilités et de contradictions, de celles qui donnent à certains un caractère hors du commun.

       A travers ses écrits, en jouant avec elle de son goût du tragique et de sa passion pour la légèreté, j’ai tenté d’approfondir le moi profond de Louise et sa véritable nature ; de divulguer une certaine image d’elle-même vue de l’intérieur.

       Si elle s’est défendue d’écrire des récits autobiographiques, elle s’est appliquée à transposer en images, souvent surréalistes, le plus intime d’elle-même et de ses aspirations. Tout ceci était d’ailleurs confirmé lorsqu’elle se contredisait. Dans ses affirmations et leurs antinomies, Louise se démasquait. Comme dans une charade. Une vérité devenait mensonge. Un songe s’ancrait dans la réalité. Les strophes se déclinaient dans la futilité, paravent de la pudeur ou de diverses ardeurs.

       Sa faculté n’était pas de témoigner mais de retranscrire en fable une mosaïque de saynètes qui composent l’univers intérieur de Louise, sa façon de voir et, plus qu’un message, son regard, le langage secret de son âme.

       Héritière de l’univers proustien, elle fut aussi paradoxalement une femme à la modernité étourdissante ; en dépit des critiques, elle eut le courage de vivre comme elle le désirait. Préférant à sa réputation les élans de son cœur, elle s’est laissé guider par ses sentiments sans se soucier des conséquences.

       Louise, Loulou, Sainte Louise de Vilmorin, dite la Maliciôse. Louise que commente Malraux : «...l'accent des meilleurs poèmes de Maliciôse tient sans doute à ce que, seuls, ils ont donné l'âme et la voix à un enchantement désespéré ; à ce que, seuls, ils ont fait surgir les sentiments féminins millénaires, non de la vie, mais d'une féerie apparemment libérée d'elle, et qui pourtant la rejoint dans l'amour et dans la nostalgie.»

       Ce travail s’est voulu plus proche du roman que de la biographie afin de rester fidèle à son héroïne, Louise, et de ce qui apparaît de sa vie, une suite de réalités sublimées…

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En aparté :

De l'invisible à la réalité...
Louise, ô ma Louise ! 
Pourquoi t'ai-je choisie ?
Au tout début... Chère muse amusée,
Pour les hommes que tu as aimés :
Antoine, André, Orson et quelques autres.
Oui, je t'ai choisie pour eux.
La belle affaire !
Par la suite, très vite, tes écrits m'ont captivée.
Pour toi seule alors, je t'ai appréciée et aimée.
Volage, volatile Louise, mais profonde et si joyeuse.
Tu savais si bien louer les rêves et attraper les chimères...
Tu les transcendais en calligrammes, en romans, en poèmes.

Pour garder ouvert ce passage, 

De l'invisible à la réalité.

 

Choisit-on les êtres vers lesquels nous sommes destinés ?
Quoiqu'il en soit, je leur reste fidèle. Je te reste fidèle.
Louise, mon amie  en écriture et en rires.
Te voilà sortie du musée !

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------"Louise de Vilmorin, De l'invisible à la réalité",

Préface de Matthieu de Vilmorin, Editions AKFG - 2017.

Une réédition du livre publié sous ce titre :

Louise de Vilmorin : " Si vous me connaissiez", Ed. Perrin. 1998.

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  • : Albertine.gentou.over-blog.com
  • : Histoire d'écrire... par Albertine Gentou. Autrice, biographe de personnalités célèbres ou méconnues, romancière, directrice littéraire, journaliste, je suis une femme de lettres avec une profession de foi. Pour moi, l’écriture est un voyage à la rencontre des autres mais aussi de soi dans une dimension universelle. Ce blog a pour vocation de présenter mes écrits et mes sources d'inspiration.
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